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Le texte européen encadrant les NBT fait déjà débat

Alors que certains jugent que la proposition de Bruxelles permettra à "l’agriculture européenne de lutter à armes égales avec celle des grands pays agricoles concurrents ayant déjà modifié leur règlementation", d'autres regrettent que les vannes soient "grandes ouvertes aux OGM dans toute l'Europe".

Le projet de réglementation pour encadrer les nouvelles techniques d’édition génomique fait renaître la fracture ancienne entre les anti- et les pro-OGM.

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Le texte de la Commission européenne exemptant certaines NBT de la directive OGM 2001/18, présenté le 5 juillet 2023, n’a pas manqué de faire immédiatement réagir différentes organisations et syndicats. Le Collectif en faveur de l’innovation variétale (1) s’est ainsi félicité dans un communiqué de presse publié le jour même, « de cette première étape vers une réglementation européenne modernisée et adaptée pour l’utilisation de techniques prometteuses. » Mais il insiste : « Il est indispensable que la réglementation soit équilibrée avec des contraintes proportionnées sous peine d’entraver tout développement de ces technologies. »

Le Collectif demande ainsi une « adaptation du cadre réglementaire relatif aux OGM (directive 2001/18) […] pour prendre en compte le progrès scientifique et envisager le développement de ces variétés au niveau de l’Union européenne, sans générer de distorsions de concurrence avec le reste de la planète. » Selon ces organisations, « différents pays à travers le monde revoient déjà leur réglementation pour que les sélectionneurs aient accès à ces techniques ».

Boite à outils

De son côté, l’AFBV (Association française des biotechnologies végétales) et son partenaire allemand, le WGG, estime que « l’introduction de ces nouvelles techniques dans la boîte à outils des semenciers donnera à l’agriculture européenne les moyens de lutter à armes égales avec celle des grands pays agricoles concurrents ayant déjà modifié leur règlementation. C’est aussi une condition nécessaire pour la réussite du pacte vert. » Elle appelle de ses vœux que la réglementation soit « adoptée avant l’échéance électorale européenne de 2024 ou être une priorité de la législature suivante ».

Quant au Copa-Cogeca, il explique que « les nouvelles variétés végétales doivent offrir des avantages supplémentaires par rapport aux variétés existantes. Savoir que ces variétés ont été testées et évaluées selon des critères déjà établis est une forme d’assurance pour les agriculteurs. » Il estime que « le renforcement des tests de variétés végétales concernant la durabilité est une amélioration car le niveau de production doit être maintenu pour garantir l’accessibilité et la sécurité alimentaires. » Enfin, le Copa et la Cogeca prennent note de la déclaration de la Commission européenne concernant la publication d’un rapport sur le brevetage des plantes et les pratiques d’octroi de licences et de transparence connexes d’ici à 2026. Selon lui, la proposition de Bruxelles « accélérera encore plus rapidement les demandes de brevets dans des plantes qui sont déjà en cours ».

Sécurité et droit des consommateurs bafoués

Les opposants à l’encadrement de l’utilisation des nouvelles techniques d’amélioration des plantes, qu’ils considèrent comme des « OGM cachés », estiment que cela « bafoue la sécurité et les droits des consommateurs ». Ainsi Greenpeace regrette dans un communiqué que la Commission « propose d’affaiblir, voire de supprimer les mesures de précaution concernant les OGM issus des nouvelles techniques de modification génétique (obtenus par mutagenèse et cisgenèse et classés dans la catégorie NGT 1, NDLR) : les nouveaux OGM ne seraient notamment plus soumis à un étiquetage obligatoire. »

« Tant que l’innocuité de ces produits n’est pas démontrée avant leur mise sur le marché et leur consommation, nous estimons qu’il est irresponsable de faire une entorse au principe de précaution, comme l’avait statué la Cour de justice européenne en 2018 », considère Ariane Malleret, chargée de la campagne sur l'agriculture à Greenpeace France. Dans le cadre de l’ouverture prochaine des débats parlementaires, Greenpeace appelle « vivement les eurodéputés et eurodéputées à s’opposer fermement à l’adoption de cette proposition en l’état ».

« Vannes grandes ouvertes »

Pour la Confédération paysanne, si la proposition de Bruxelles était adoptée par le Parlement et le Conseil européens, « les vannes seraient grandes ouvertes aux OGM dans toute l’Europe ». Le syndicat va même plus loin : « Cette proposition augure d’un scénario catastrophique où les paysans et paysannes de toute l’Europe se trouveront dépossédés et dépossédées de leurs semences via les brevets qui accompagnent systématiquement ces OGM. Où les consommateurs européens et consommatrices européennes mangeront des OGM sans même le savoir et où, finalement, l’ensemble de la chaîne alimentaire se trouvera entre les mains de 4 multinationales de l’agrochimie qui détiennent la majorité de ces brevets. »

Même son de cloche chez Pollinis, qui regrette que la Commission, en autorisant sans garde-fou la mise sur le marché de ces nouveaux OGM, donne « gain de cause aux lobbys de l’agrochimie qui n’auront plus à produire d’évaluation du risque pour obtenir des autorisations. »

Des gouvernements partagés

Dans un communiqué diffusé le 5 juillet, le ministre allemand de l'Alimentation et de l'Agriculture, Cem Özdemir, a émis des réserves. Il « doute » que le principe de précaution soit suffisamment pris en compte dans la proposition actuelle. Il estime également que les intérêts des consommateurs et de l’agriculture ne soient pas suffisamment considérés.

Le ministre français de l’Agriculture, Marc Fesneau, n’a pas officiellement réagi à la proposition de règlement. Il s’était toutefois exprimé à plusieurs reprises dernièrement au sujet des NBT, estimant par exemple que ces techniques sont « très prometteuses ».

(1) Instauré en 2019, le collectif regroupe 28 organisations représentatives des agriculteurs et des filières agricoles et agroalimentaires qui souhaitent valoriser l’intérêt de la sélection variétale.

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